lundi 30 septembre 2019

« De l'indignation à l'audace ! » Reflets de la Conférence-table ronde à l'Université de Neuchâtel

Un engagement multi-facettes pour le climat par des jeunes actifs, créatifs, constructifs

Conférence-table ronde à l’Université de Neuchâtel avec les Grands-parents pour le climat 

Quels rafraichissants dynamisme et originalité dans les démarches lancées avec enthousiasme - et efficacité - par des groupes de jeunes à propos de l’enjeu climatique. C’est ce qu’ont pensé beaucoup des plus de 400 personnes (salle comble) assistant le 24 septembre, à l’Université de Neuchâtel, à « Agir ensemble pour le climat - De l’indignation à l’audace ». On sentait, on vivait que les choses bougent. Manifestation organisée avec les « Grands-parents pour le climat » (qui avaient mis sur pied un événement comparable à l’Université de Lausanne en novembre dernier). 



Ce qui a été particulièrement impressionnant, c’est la table ronde avec six jeunes, filles et garçons, qui tous exemplifient la preuve par l’acte. En consacrant beaucoup d’énergie et de temps à des actions dans des domaines/directions multiples : démarches très pratiques pour limiter le gaspillage alimentaire, permaculture, Semaines de la durabilité printanières dans plusieurs dizaines de Hautes Ecoles du pays. Engagement dans la foulée de Greta Thunberg : la plus jeune de ces personnes, Diane Lou Pellaud, 15 ans, de Bienne, agit dans son lycée et a instauré la « Grève du silence pour le climat ». Le vendredi, et elle en avertit ses professeurs chaque jeudi, elle ne parle pas - ne participe pas aux discussions, ne répond pas aux questions… Attitude claire mais non disruptive - c’est bien.

Un autre est un militant affirmé dans la ligne de la désobéissance civile et d’Extinction Rébellion. A noter parmi eux un apprenti maraicher - qui démontre que la forte préoccupation n’est pas le monopole d’universitaires. Les jeunes ont dialogué avec les orateurs du jour (voir ci-dessous) et avec Martine Rebetez et Jacques Dubochet, sous l’experte modération de Nicole Baur.

La conférence avait été ouverte par le professeur Jean-Marie Grether, vice-recteur de l’Université, qui comme institution est aussi très engagée pro-climat. Puis deux exposés : de Ellen Hertz, professeure d’ethnologie dans cette université, et Philippe Thalmann, professeur d’économie de l’environnement à l’EPFL. 

Ellen Hertz s’est entre autres adressée aux seniors/retraités présents, soulignant que s’engager comme ils le font est une bonne façon d’utiliser le temps libre à leur disposition. Relevant que, si la colère de jeunes ne surprend pas, celle des vieux, par contre, gêne, est un scandale. En tirer profit : « Autorisez-vous à afficher votre colère, testez les limites ! », a-t-elle dit. Peut-être les « Grands-parents » devraient-ils être plus vifs dans leurs démonstrations - mais ils le sont parfois, et restent aussi attentifs à de possibles effets contre-productifs. L’oratrice a parlé de l’économie du don, la règle dans les sociétés dites primitives. Avec le développement des Etats, préoccupés du bien-être des citoyens - idéalement, on est allé vers des modèles divers de redistribution.

Philippe Thalmann a structuré son propos en discutant sept possibilités pour nos sociétés de répondre au dérèglement climatique : 1) Continuer comme maintenant (business as usual) – ce serait insensé ; 2) Procéder par améliorations ponctuelles et progressives – OK, mais très insuffisant ; 3) Corriger les « imperfections » du marché -  tenir compte notamment des coûts externes, un aspect essentiel, ne pas vouloir de monopoles, guider les acteurs ; 4) Corriger les « imperfections » de l’Etat – qui peine beaucoup à prendre des mesures  adéquates ou est bloqué quand il tente de le faire, court-termisme électoral ; 5) Accélérer la transition écologique – économie circulaire et autres mesures, y compris subventions aux activités favorables ; 6) «  Halte à la croissance » (rappel du Rapport au Club de Rome), ce qui n’empêche cependant pas une expansion des services, moins producteurs de CO2, et 7) Instaurer l’urgence climatique – avec des mesures suffisantes mais qui auront des dimensions dures voire autoritaires, pas aisément acceptées sans doute !

Chose à noter, les deux orateurs ont relevé qu’il ne s’agissait pas de jeter aux orties sans autre forme de procès, de manière dogmatique, le modèle libéral (au sens large) de fonctionement de nos sociétés (trop simple et risqué de « vilipender le capitalisme »), mais qu’il fallait tirer profit de ses potentialités favorables tout en canalisant/bloquant ses effets indésirables voire clairement nuisibles.
Une sensibilisation de la population en général est impérative, qui doit aussi être promue par des engagements clairs et courageux des pouvoirs publics. Il y aura certainement lieu de revoir/modifier certaines prérogatives et responsabilités institutionnelles – des parlements et gouvernements, de manière à minimiser des blocages qui ne feront qu’aggraver les problèmes. Bien entendu, personne n’a dans cette affaire de recette-miracle ; d’une manière ou de l’autre l’évolution/révolution doit être une entreprise collective, celle d’une communauté (locale, nationale, mondiale) qui a pris conscience des enjeux. 

On le sait et on le voit, il y a dans la nouvelle génération une impatience, une frustration, une colère, devant la lenteur des politiques, à vrai dire de la société en général, à admettre la réalité des faits – et leur gravité. Puis, quand ces politiques comprennent, la lenteur des processus de nos démocraties – démocratie directe à la suisse en particulier - fait problème. Cela étant et malgré des difficultés certaines, programmées, cette soirée a apporté un vent frais porteur d’espoir.

Jean Martin / 26.9.2019