jeudi 15 novembre 2018

Bataille sur la biodiversité (E. Masood)

L'IPCC (Intergouvernemental Panel on Climate Change), 830 auteurs et éditeurs, 3500 experts consultés) a remarquablement fait son travail en mettant d'accord 180 pays sur les conclusions des experts dont les grandes lignes avaient été reconnues il y a plus de 30 ans : l'échauffement climatique actuel est réel, il est principalement anthropogénique. Les détails des conclusions sont la base scientifique des accords de Paris à la COP 21 en 2015. Bravo ! On a reproché à l'IPCC de ne pas avoir suffisamment intégré les compétences des sciences humaines avec pour conséquence le fait que ses conclusions n'ont pas pénétré l'opinion publique aussi bien qu'elles le devraient. Critique justifiée ? On peut en discuter.

L'IPBES est en principe similaire sauf que son but est de faire face à la crise de la biodiversité et de l'extinction des espèces plutôt qu'à l'échauffement climatique. Actuellement les travaux de l'IPBES devraient approcher un rapport final, mais de graves dissensions internes mettent en péril toute l'oeuvre. Le problème a bien à faire avec l'élargissement des scientifiques empiriques – principalement ceux des pays développés – aux collègues diversifiés des humanités et sciences sociales ainsi qu'aux acteurs locaux (paysans, citoyens scientifiques, peuples indigènes) moins moulés dans le cadre de la recherche traditionnelle. Les premiers se focalisent sur la notion de « service de la biosphère » auquel ils essayent de donner une valeur quantitative (par exemple : quel serait le coût de la mort des abeilles?) L'avantage est clair. On a des chiffres, la politique est « objectivement » orientable. Le problème est tout aussi évident : comment comparer le service à la biosphère du Panda géant avec celui du tigre du Bengale ?

Il y a une autre pierre d'achoppement. Alors que le CO2 et parfaitement distribué à chacun, partout dans le monde, les Indiens et les Chinois voient fort différemment le problème du panda ou celui du tigre – chacun le sien. Apparemment le petit égoïsme cache la globalité du problème.

On en est là et les deux – trois, quatre ou cinq – clans se combattent. C'est tragique. L'éditorial du journal ainsi que articles mentionné appellent les membres de l'IPBS à la sagesse. On en a besoin.

Quand je parle autour de moi de l'environnement, je rencontre autant de personnes qui s'agitent sur la perte des espèces que sur l'échauffement climatique. Il serait dommage de devoir faire face au premier sans un guide cohérent pour conduire la prise de conscience et la politique. Pour le second, la route est bien tracée.

Masood, E. (2018). The battle for the soul of biodiversity. Nature, 560(7719), 423-425. doi:10.1038/d41586-018-05984-3


BIODIVERSITÉ/ Jacques Dubochet